Le rapprochement de deux articles parus sur le Club Med est porteur de sens.
Dans le premier, (Libération 24 décembre 2002) voici ce que dit Serge, fils de Gilbert Trigano, l’un des deux entrepreneurs qui ont fait l’entreprise. « Une équipe de déracinés, de ratés de génie, allait dans les villages insuffler un vent de folie, de rires et d’insouciance. Chacun pouvait changer de peau sans redouter le regard de l’autre »
Dans le second, (Enjeux, Les Echos Octobre 2006), il est question de la « transformation de l’entreprise en profondeur » menée par son Président et orientée vers le haut de gamme. Un extrait : « Ecrans plats, téléphone et serviettes de toilette moelleuses sont à disposition dans des chambres qui ont souvent doublé de taille. … Boissons et snacking à volonté … Une sélection d’une centaine de boissons et canapés façon cocktail .»
Parole d’entrepreneur et parole de manager.
Aujourd’hui, le Club Med offre le confort et le luxe dans une intimité discrète. A l’origine, il organisait du lien social. La question à poser est la suivante : faut-il voir dans ce changement le reflet de l’évolution de la société ou bien une trahison de l’offre de cette entreprise ?
On est passé d’un dispositif produisant du lien à une structure assurant un service. Avant, le GM n’était pas un client ; invité à prendre part à la vie de l’entreprise, il était co-producteur de l’offre. Aujourd’hui, il est devenu un client auquel on reconnaît le droit à l’exigence. Avant, on flattait les passions généreuses du GM ; désormais, on flatte ses passions égoïstes.
L’offre n’a pas évolué, elle a été trahie. Il faut se garder d’en faire une accusation car ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, mais le contexte. Pour l’entrepreneur, l’offre étant un produit de l’instinct, elle garde sa cohérence tout en évoluant. Pour un manager, elle est trop souvent issue de la raison et, privée de spontanéité, elle se coupe de ses racines. Sans lien avec le passé, elle ne peut pas faire autrement. L’entretien de ce lien est un des rôles de la structure de l’actionnariat, d’où l’importance de ce que les anglo-saxons nomment la fonction « ownership » de l’entreprise.
J’ai déjà exprimé ailleurs la faiblesse de celle du Club Med.
Commentaires