Après la campagne publicitaire du Club Med en 2005, voici venue celle
de 2008. Ce qui frappe au premier coup d'oeil, c'est l'inversion du procédé visuel. En 2005, l'homme se fond dans la nature. En 2008, la nature se fond dans les artefacts humains, le chapeau ou le maillot de bain.
Le message aurait-il changé ?
A ses origines, le Club était un projet de "contre-société" comme l'avaient proclamé ses fondateurs, Gérard Blitz et Gilbert Trigano. Sa vocation était de permettre aux clients de s'émanciper de leur quotidien. Elément essentiel du dispositif, la nature était mobilisée pour catalyser l'émergence d'un nouveau lien social, moins contraignant et plus festif. La "nature" devait bousculer la "culture" pour lui révéler ses vraies valeurs. Tel était le génie fondateur et innovant du Club Med : jouer avec beaucoup d'intelligence de l'opposition des termes nature et culture, dans la perspective d'une subversion ludique de la seconde par la première.
Les campagnes de 2005 et de 2008 ont un point commun. La condensation visuelle des deux termes abolit cette opposition ; un visage tout en rochers qui sourit au creux de la montagne puis la mer piégée dans un chapeau ou dans les mailles d'un maillot de bain.
Inchangé, le message répète un symptôme. Lequel ?
Rehausser le niveau de gamme de l'entreprise est un souci prononcé : "une aventure chic", "le luxe des sociétés d'aujourd'hui","le Club Med montant en gamme est ce lieu unique qui allie le raffinement au festif".
Quel rapport avec l'abolition de l'opposition nature/culture ?
Monter en gamme, c'est changer de public, cibler un segment, mais aussi en exclure un autre. Pour inventer l'avenir on se sent, à tort, obligé de condamner un passé. Mais on sait aussi, à juste titre, qu'il faut sauver une identité, une âme. Comment fabriquer un message complexe en apparence ?
L'opération a lieu à coeur ouvert dans l'inconscient de l'entreprise. On sacrifie la dialectique subversive nature/culture au nom du futur, mais on en conserve les termes au nom du passé. Il s'agira donc toujours d'homme et de nature, mais on les fusionnera pour abolir l' opposition.
La conversion du Club au haut de gamme s'annonce comme un succès selon les chiffres. Mais la communication reste hésitante.
L'inconscient d'une entreprise, c'est son passé, mais un passé qui parle au présent. De ce discours, on peut modifier le vocabulaire (les signes) pour susciter le changement, mais pas la structure (l'opposition des termes). Le premier est contingent et évolutif, pas la seconde.
Le grand problème de toute entreprise est d'innover sans mettre en danger son identité. La question est la suivante : comment capitaliser sur un passé sans en être prisonnier ? Au Club Med, on a conservé les signes, nature et culture, croyant ménager le passé, et aboli leur dialectique, pensant conquérir l'avenir. Ne valait-il pas mieux conserver la dialectique et en changer les signes ?
Great work.
Rédigé par : Enid | 27 octobre 2008 à 14:16
Passionnante analyse.et très bon site que je découvre en complétant une recherche sur le CLub
deux ans plus tard toutefois, l'épreuve des faits par contre est assez rédhibitoire ?
Club Med: comment flinguer sa marque en 7 étapes http://idead.typepad.com/idead/2011/03/club-med-howtoruinyourbrandin7steps.html
Rédigé par : IdeAd | 28 mars 2011 à 09:30
Analyse approfondie de qualité. Merci à vous.
Rédigé par : Xavier | 26 avril 2011 à 16:35