Méditant sur la difficulté de trouver le caissier idéal pour une banque, Balzac s'interroge en 1835 :
"Trouver un homme qui soit sans cesse en présence de la fortune comme un chat devant une souris en cage ? ... Un homme qui ait assez de grandeur pour être petit ? Un homme qui puisse se dégoûter de l'argent à force d'en manier ?"
La banque n'est pas un métier comme un autre. On a le sentiment avec Balzac que l'institution poursuit une finalité si particulière qu'elle fonctionne comme un champ magnétique susceptible à tout moment d'affoler la boussole des individus qu'elle emploie. L'intuition est la bonne, à tel point d'ailleurs qu'elle est vraie de tout métier, pas seulement de la banque.
Ce champ magnétique, c'est l'inconscient de l'entreprise. Son impact sur les personnes est total comme le dirait Marcel Mauss, car il constitue un "fait social total". Or, plus de 170 ans après ce constat balzacien, l'idée semble toujours ne convaincre qu'à moitié.
Ici et là, on voit poindre dans la presse une sorte de fascination pour le mystère qui entoure la personnalité de JK, le trader de la Société Générale par qui le scandale est arrivé. On cherche, sans vraiment touver, des indices dans sa vie et on finit par fabriquer de toute pièce ce que lefigaro.com du 26 janvier 08 appelle "l'énigme du trader". Tout le questionnement converge en direction du personnage, pour tenter de savoir ce qui a pu se passer "dans la tête" d'un courtier "sérieux et réservé".
Confusément, de nombreux internautes ont pourtant la conviction que l'intuition de Balzac est la bonne.
"Quelle pression met la banque sur ses traders ? C'est le procès du système, pas d'un homme." * écrit l'un d'entre eux, ou bien, "Je pense que le mépris des "aristocrates" traders pour les administratifs a été le carburant de cette mésaventure." ** dit un autre, rappelant que les relations internes au sein du département conditionnent aussi les comportements.
Il n'y a pas de comportement qui soit isolé d'un contexte institutionnel. Au contraire, la magnétisation du premier par le second est inéluctable, surtout en entreprise. Le mystère, c'est l'effet créé par l'attribution à la seule personne humaine, de mécanismes mobilisant des processus institutionnels et personnels.
Il y a là une raison de plus pour s'interroger sur la notion même de ressources humaines qu'on ne peut appréhender séparément car les hommes et les femmes dans l'entreprise sont toujours en interaction profonde avec l'inconscient de l'institution. Et pour rappeler l'actualité de Mary Douglas.
* dieterdieter, le 28 01 08 sur lemonde.fr
** Pop, Lemonde.fr 30 01 08
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