Dans un article récent, Le Figaro revient sur un thème d'une exceptionnelle sensibilité en France, la punition corporelle infligée aux enfants. Qu'on en juge : pas moins de 310 commentaires en 48 heures. Le sujet de l'article ? La pétition lancée par le Conseil de l'Europe pour l'interdire et signée par des personnalités.
A la suite de l'article, le journal propose un sondage sur la question de l'interdiction de la fessée. Sur 30 000 participants, plus de 92% des votants sont contre l'interdiction. Pourquoi cet attachement des français à la fessée ?
Les commentaires des internautes sont édifiants. Plusieurs thèmes dominent et à travers eux se dégage toute une philosophie de l'éducation mais aussi de ce qu'est le corps social dans l'inconscient français.
L'éducation est souvent assimilée à un dressage à défaut duquel la personne est vouée à devenir un délinquant ou à demeurer un enfant-roi qui tyrannise ses parents. En France, l'éducation d'un enfant est encore trop souvent une injonction à désapprendre tout ce qu'il est censé déjà être. L'initier à vivre en société consisterait à redresser chez lui une nature viciée dès l'origine. Dans l'éducation à la française, l'ennemi c'est la nature. Pour relativiser cette idée délirante, on appréciera l'excellent petit livre de Marshall Sahlins "La nature humaine, une illusion occidentale".
C'est qu'en France, le social ne va pas de soi ; il prospère tant qu'il demeure spontané et naturel, les étrangers en conviennent. Mais le naturel n'est pas considéré comme crédible pour fournir la base d'une société organisée dont chacun sait que chez nous, l'Etat est la référence ultime. L'ordre social, le vrai, se doit d'être un construit artificiel et à ce titre, il est voué à entrer en conflit avec ce qui est toujours pensé comme la nature humaine.
En France, c'est par la force que l'enfant entre en société au lieu d'y être accueilli.
La propension naturelle à la délinquance que l'enfant est censé désapprendre est un fantasme français. Croyant la contenir, on la fabrique. Par un processus bien connu, le retour du refoulé, elle refait surface non pas tant sous une forme criminelle, mais dans la façon propre à notre pays d'organiser l'action collective.
On en profitera pour relire "Le phénomène bureaucratique" de Michel Crozier ; son concept de "Communauté délinquante", emprunté à l'anthropologue américaine Margaret Mead, met en évidence la tendance qu'ont les français à faire corps, notamment au travail, dès l'instant où se dresse la figure d'un ennemi extérieur, qu'il soit un groupe rival ou bien le supérieur hiérarchique. Bref, c'est sur toile de fond conflictuelle que s'organise le plus souvent l'action collective. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le débat politique aussi bien que le management de nos entreprises et de nos administrations, pour s'en convaincre.
Vu sous cette angle, l'idée selon laquelle une bonne fessée donne à l'enfant des repères pour l'avenir, notamment dans sa vie professionnelle, prend malheureusement tout son sens. Certaines de nos grandes entreprises ou administrations, celles dont le nom revient lorsqu'il s'agit de souffrance au travail, l'ont bien compris.
Non, définitivement non au moindre châtiment corporel, fessée ou privation de dessert....
Ces actes sont des manques d'autorité !
Pire encore, j'ai entendu une mère dire "ça défoule et puis ça ne fait pas mal"...
Si ça ne fait pas mal, on peut se demander à quoi ça sert ?
Mieux vaudrait enseigner la CNV, COMMUNICATION NON VIOLENTE, on pourrait commencer par les parents... et.... non, pas de politique ici :-)
Rédigé par : Françoise | 08 mai 2010 à 20:49
Je dirais aussi : la fessée, une perversion française.
Les parents battants sont toujours des anciens enfants battus. Par identification à l'agresseur, ils vont rejouer activement ce qu'ils ont subi passivement, un mécanisme de défense classique.
En France, l'enfant est encore souvent vécu sur un mode persécutoire, comme si ses maladresses étaient intentionnelles et dirigées contre les parents.
Les tentatives d'autonomisation de l'enfant sont souvent contrariées par la névrose parentale. L'expérimentation de la liberté et de la capacité à agir conduit à la sanction.
Enfin, on entend souvent "Il n'y a pas de mal à se faire du bien, ou "La fessée c'est pour son bien". Mais pourquoi frapper sur les fesses, une spécialité française ? N'est-ce pas un compromis entre le sévice et le plaisir ?
Rédigé par : DPA | 01 juin 2010 à 17:44
Sur les fessées et autres châtiments corporels, je vous rejoins et j'invite ceux qui ne connaissent pas à lire les pages d'Alice Miller sur le sujet, par ex http://www.alice-miller.com/tracts_fr.php?page=2
Je trouve très intéressante et éclairante la lecture que vous faites de ce qui fait lien en France versus ce qui fait lien dans d'autres pays, je pense notamment au Québec qui a une tolérance à la différence infiniment supérieure à la nôtre.
Rédigé par : Tanakia | 08 juillet 2010 à 21:08