A quinze jours du verdict concernant l’alliance possible entre Renault-Nissan et GM, la presse fait état de multiples indices laissant penser qu’elle ne se fera pas. Peu importe dira-t-on, la demande venait de GM . Et pourtant !
Deux articles récents parus dans Business Week méritent d’être relevés. On a le sentiment qu’un non-lieu éventuel risque de se transformer en une défaite pour Carlos Ghosn et Renault.
David Kiley, reprenant les propos de P.Pelata teintés d’impatience, compare celui-ci à un « boxeur au 15ème round qui se sait battu aux points ». Et il ajoute qu’une éventuelle collaboration s’annonce mal lorsque « son principal négociateur se répand dans les media sur la stupidité de GM dans les conversations ».
Ce revirement fait des vagues. En effet, D.Welch, Gail Edmondson et Ian Rowley, de leur côté, posent la question : « Ghosn mérite-t-il vraiment sa réputation de faiseur de miracles ? » On évoque des doutes ici et là sur la pérennité de son action de redressement chez Nissan.
Comment se fait-il qu’à partir d’une position confortable, le camp franco-japonais devienne le potentiel perdant d’une négociation qu’il n’avait pas demandée ?
On a déjà oublié que c’est un actionnaire de GM qui a lancé l’idée ; ce qui domine c’est le désir affiché par le camp français que l’alliance s’élargisse à GM. Il a suffi de quelques mots pour se mettre dans la position du demandeur. Pourquoi ?
Tout simplement parce que Renault a déjà échoué cinq fois en 80 ans sur le continent américain. Vouloir y revenir sera désormais toujours interprété comme un désir de revanche. Ce ne sont pas les acteurs d’aujourd’hui qui sont en cause mais l’institution qui se souvient et qui se charge de donner le sens à l’événement.
Ainsi, la passion aidant, on s’impatiente et le ton se fait pressant. Au risque de simplifier à l’extrême, je pense que l’échec de la fusion Renault-Volvo est imputable, entre autres, à un excès d’assurance du constructeur français. A cette époque, j’avais de nombreux contacts avec les deux parties. J’étais frappé par l’aveuglement des français sur la mentalité des suédois. Si GM ne rejoint pas l’alliance, on se souviendra des petites phrases beaucoup plus que des mécanismes qui ont conduit au résultat.
Pour ceux qui doutent encore des déterminations inconscientes des entreprises, je cite Maurice Bosquet, responsable des relations extérieures de Renault dans les années 50, suite à l’échec d’un projet d’alliance : « Il y a toujours eu chez Renault, un sentiment de supériorité et de domination. »
J’ai eu l’occasion de dire l’importance du « complexe » de l’Amérique chez Renault. Ce qui est en train de se passer montre à quel point les institutions savent détourner à leur profit les intentions des individus qui pensent agir en toute conscience, et leur donner le sens qu’elles veulent.
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