Je viens tout récemment de découvrir un article
de Ian Davies, qui dirige Mc Kinsey & Co au niveau mondial, paru il y a un
an environ. Il traite d’un sujet qui
n’est pas nouveau, mais d’une façon surprenante : le rôle des institutions
marchandes dans la société.
Ian Davies renvoie dos à dos deux postions
extrêmes. Il y a celle de Milton Friedman que l’on peut traduire ainsi :
«L’objet des affaires, c’est les affaires », et celle de la responsabilité
sociétale de l’entreprise. Selon lui, les deux positions présentent
l’inconvénient de ne pas inclure les questions de société au cœur de leur
business model.
Il dit en effet qu’il « existe un contrat
implicite entre la sphère marchande et la société ».
Malheureusement, ce contrat manque encore trop
souvent de conviction tout simplement parce qu’il se réduit à une transaction
financière par laquelle l’entreprise soutient des causes qui sont étrangères à
son activité. Or, que peut-elle faire pour la société si ce n’est de payer ?
C’est oublier que l’entreprise est le projet d’un
entrepreneur. Et si le contrat dont parle Ian Davies est bien une réalité, ce
que je crois, il ne lie pas l’entreprise et la société mais plutôt
l’entrepreneur et le contexte social qui est le sien.
Le profit n’est pas la motivation première de l’entrepreneur mais
celle du système dans lequel il entreprend, de telle sorte qu’un business model
a toujours sa part de non-marchand. Elle est enracinée dans les processus de la
société tout simplement parce qu’elle en est issue. On a encore beaucoup de mal
à distinguer les deux registres.
Ce n’est pas parce que Danone tire un profit de
ses développements en Asie et en Afrique du Sud que l’intention en matière d’aide
au développement est impure. Lorsqu' André Essel, fondateur de la Fnac, menait des combats pour l’accès
à la culture, il y avait aussi de la conviction de sa part, liée au plaisir qu’il
prenait dans la lecture.
On ne peut donc qu’être d’accord avec la recommandation
de Ian Davies : “Le dirigeant d’une entreprise doit énoncer publiquement la
signification de son objet en des termes beaucoup moins desséchants que ceux de
la seule valeur pour l’actionnaire ».
Les termes desséchants, ce sont les chiffres ;
les autres, ce sont les mots, en particulier ceux qui ont donné corps aux
intentions originelles, celles du fondateur. Ces mots véhiculent aussi la part
non-marchande de l’objet de l’entreprise. Pour les retrouver, il faut savoir
écouter le passé. Car on ne lutte pas
contre ce dessèchement en décrétant le rôle sociétal de l’entreprise, mais en
retrouvant celui qui l’a fondée.
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