Depuis plus d'un mois, l'information autour des drames du Technocentre Renault se répand en France et dans le monde.
Prudemment, la presse écrite et audiovisuelle se cantonnent aux faits et aux propos tenus par les uns et les autres. La toile est une autre scène où l'affect se donne en spectacle.
Blogueur depuis moins d'un an, je découvre le fossé qui sépare les médias traditionnels et la toile. Si les premiers font preuve de sobriété, la seconde cède à son penchant pour la libre associations des idées. D'un côté on entretient l'information, de l'autre on la métabolise.
Et pourtant, le fait et l'opinion sont partout tandis que le sens est nulle part. L'abondance de l'offre est trompeuse. Elle dissimule une implacable mécanique de répétition : répétition des faits, des phrases prononcées, de l'indignation, des accusations rapides ou du déni proclamé.
Chaque jour qui passe, l'étau se resserre autour de Renault. Des représentations signifiantes en nombre limité trament autour de cette entreprise un scenario qui en dit plus sur l'état de l'opinion que sur elle-même. Sont mis en accusation, parfois les hommes politiques, souvent la direction du groupe, toujours des personnes.
Curieusement, on parle beaucoup mais on écoute peu. La métaphore de Christophe Dejours n'a pas été entendue : les suicides sur le lieu de travail sont des signatures "qui s'adressent à quelqu'un".
A qui ?
Le monde entier a appris que la dernière victime est partie en laissant un compte-rendu d'entretien d'évaluation sur son écran d'ordinateur. Cette tentative de suicide a réussi parce qu'une tentative de parole a échoué. Et n'étant toujours pas parvenue à son destinataire, elle reste en "souffrance".
Manager les hommes l'oeil rivé sur les indicateurs du stress, c'est bien, mais tendre l'oreille vers cinq personnes en désespoir, c'est mieux. Il n'y a pas pire réaction à la crise que d'agir dans l'urgence face à un problème qui a le temps derrière et donc, n'en doutons pas, devant lui. Les suicides sont récents, le problème ne l'est pas.
Contre la mauvaise ambiance au Technocentre, on ne se contente pas d'agir, on parle.
Je me propose dans une série de notes à venir, de donner la parole à ces lettres en "souffrance", aux cinq suicides en quête d'auteur. Le but ? Montrer que la gravité du symptôme appelle des solutions se situant par delà les anathèmes.
La prochaine note : "Technocentre,ancien régime et révolution."
S'il y a qqch chez Renault c'est l'harcèlement moral et l'abus de pouvoir. C'est "bien" quand même que ce genre de faits sortent en débat public et que les clients qui achètent nos voitures aprennent le genre de "management" qui se pratique dans cette entreprise, un vvrai camp de concentration pour beaucoup de ses employés...
Rédigé par : anonymous | 07 mars 2007 à 16:25