Thomas Philippon publie dans Le Monde du 31 août un point de vue intéressant sur un sujet qu’il serait sain d’aborder plus souvent en France. Il dénonce chez nous le caractère trop souvent conflictuel des relations au travail et il a raison.
En revanche, il y voit la trace d’une « tradition managériale où dominent le paternalisme et le capitalisme familial », et je pense qu’il a tort. Pourquoi ?
Trop souvent les étiquettes sont sans nuances. Les modalités de l’action collective sont une composante du lien social, et par conséquent, un symptôme culturel par excellence. Or, on ne change pas une culture. Si TOUTE collaboration en France, devait être régulée par le conflit, il n’y aurait donc pas d’espoir.
En réalité, il existe plusieurs France au travail. On en retiendra deux ; celle de l’entreprise publique (cotée en bourse ou contrôlée par l’Etat, et souvent de taille importante) qu’il dénonce, et celle de l’entreprise à capitaux privés, qu’il accuse injustement.
Tous les discours critiques sur les relations conflictuelles en France, et j’adhère à celui de Thomas Philippon, s’inspirent inconsciemment de l’entreprise publique. Le succès du livre de Corinne Maier est un symptôme qui n’a pas besoin de commentaire.
Le problème vient de ce que l’univers de l’entreprise familiale, souvent plus modeste en taille et volontairement plus discrète de par son actionnariat, est moins connu. Je travaille avec nombre d’entre elles et constate régulièrement que les relations y sont beaucoup moins conflictuelles que dans les entreprises publiques. J’en analyse les raisons dans un autre post.
Il faut donc bien prendre garde de ne pas accuser les forces motrices de l’économie française en oubliant la diversité culturelle du pays. Croire que l’on peut changer les relations de travail en dénonçant leurs travers est illusoire. Les choses changeront lorsque « l’autre » France, celle de l’initiative privée, cessera d’être étouffée par celle qui tient la main depuis trop longtemps à travers de grandes institutions bureaucratiques et rigides.
Si on ne change pas une culture, on libère ce qui, en elle, est positif mais récessif. En France, le capitalisme familial, très discret, mérite plus de considération que celle dont il est gratifié dans l’ombre de grandes entreprises souvent contaminées, il est vrai, par les travers que dénonce Thomas Philippon.
Que faites-vous des start-ups ? Elles ont des cycles de vie qui n'entrent pas bien dans votre schéma. Souvent co-entreprises avec des financiers, elles se revendent comme l'éclair. De quelle "France" parle-t-on ?
Rédigé par : rib | 04 septembre 2006 à 18:22
Point de vue intéressant, mais quels sont les critères qui permettent de mesurer le phénomène ? Il ne faut pas confondre ce que disent les témoins et ce qu'ils vivent. Est-on sûr de la sincérité de ceux qui travaillent dans des entreprises familiales ?
Rédigé par : thomas | 05 septembre 2006 à 17:25
Thomas, au moins on peut leur accorder le bénéfice du doute. Il est vrai que le "malaise" émane plus souvent de la grande entreprise. On sait peu de choses sur les autres.
Rédigé par : Charles | 05 septembre 2006 à 19:51
On leur accorde volontiers. Mais ce genre de sujet est toujours délicat, il faut pouvoir comparer ce qui est comparable.
Rédigé par : thomas | 06 septembre 2006 à 11:06