Le génie du capitalisme est son inépuisable propension à formuler de l'offre. Son talon d'Achille est une incapacité à prédire la demande, à la déterminer a priori. L'offre propose, la demande dispose, jamais l'inverse.
L'entreprise vit dans l'incertitude permanente de ses marchés. Son attitude face au mystère de la demande a une histoire et depuis peu, cette recherche désespérée fonde de grands espoirs sur la connaissance des mécanismes du cerveau humain.
On sait tester un nouveau produit en développement, mais on ne sait toujours pas extraire de l'esprit du consommateur le secret de la demande. C'est à l'intérieur de sa tête, dans le cerveau, que l'IRM est sommé d'aller chercher l'information.
Car l'idée qui sous-tend le Neuromarketing est que si le consommateur ne sait pas ce qu'il veut, son cerveau le sait à sa place.
Parfait exemple de mystification des croyances par la prouesse technique. Les 3 millions de dollars que représente le coût d'un équipement IRM masquent l'archaïsme de l'idée qui vient l'instrumentaliser, à savoir que la vie mentale trouverait son exacte contrepartie physiologique dans les neurones. Ce matérialisme naïf de la pensée postule qu'à un état mental correspondrait un état physique du cerveau.
La réduction de l'homme à son cerveau est à la base de la sophistique du Neuromarketing, nouveau stratagème dans la quête du secret de la demande. Les promesses semblent si séduisantes qu'elles en paraissent convaincantes malgré un puissant courant de pensée qui, de Wittgenstein à Vincent Descombes aujourd'hui, demeure malheureusement une affaire de spécialistes. V.Descombes expose ce qu'il nomme le "holisme anthropologique du mental" en ces termes :
"L'esprit est présent dans ses phénomènes, donc dans le monde, dans les pratiques symboliques et les institutions, et il n'y a littéralement, dans les têtes des gens, que les conditions personnelles, donc physiques (physiologiques), d'une participation à ces pratiques et à ces institutions." *
Autrement dit, la demande n'est pas une représentation mentale qui se cache dans les têtes des gens ; elle est le produit complexe d'une réalité à la fois matérielle, sociale et institutionnelle.
* Vincent Descombes, La denrée mentale, Les Editions de Minuit, 1995, p 94
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