Le colloque organisé par l'Anvie au Collège de France s'est déroulé le 30 septembre autour du sujet "L'identité de l'entreprise". Avec Elie Cohen et François Jullien, notre groupe a fait l'ouverture.
Comme je m'y suis engagé, je propose de mettre en ligne un résumé de mon intervention. La journée a été particulièrement riche et intéressante ; il est impossible d'en rendre compte dans sa totalité. J'évoquerai toutefois quelques-unes des autres interventions en opérant une sélection, forcément injuste et arbitraire, retenant comme critère leur résonance avec les thèmes qui font l'objet de ce site. Le tout s'étendra sur quatre ou cinq notes successives.
L'identité : de l'image à la signature
En guise d'introduction, j'ai posé le problème de la façon suivante : aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de savoir si l'entreprise doit préserver son identité que de déterminer si celle-ci est une fin en soi, un handicap ou une ressource.
M'appuyant sur le récent incident à propos de la Chine, opposant Dior et Sharon Stone qui sont liés par un contrat marchand, j'ai rappelé que tant qu'elle se réduit à un commerce des images, l'identité de l'entreprise est soluble dans les faits et les paroles, s'exposant ainsi à de multiples incohérences.
Par ailleurs, l'évolution d'entreprises comme Nokia ou Danone, qui ont totalement changé d'activité en moins de vingt ans (du papier et caoutchouc au téléphone mobile pour l'une, et du verre à l'alimentaire pour l'autre), montre que l'identité définie par l'affiliation à un métier, un actionnaire ou une nationalité n'est que la revendication d'une apparence.
Et pourtant, LVMH, Nokia ou Danone sont prospères et s'adaptent aux temps qui changent tout en conservant une signature. Comment est-ce possible ?
Le cas Renault nous enseigne ceci : il n'y a pas d'entreprise qui ne veuille dire quelque chose. Louis Renault s'est pris de passion pour la mécanique, une activité que son père méprisait, précisément pour lui signifier sa révolte. Si pour lui, faire de la mécanique était une façon de parler à son père, l'entreprise qu'il a créée est le dispositif instituant ce qu'il avait à lui dire.
A travers ses produits, l'entreprise parle. Entreprendre, c'est promouvoir un sens. Produire, c'est signifier. Le produit est un moyen, sa signification est une fin.
A mesure que s'estompent les repères traditionnels qui ont pu fonder son identité, on s'aperçoit de plus en plus à quel point loin d'être un objet que l'on construit avec des images, l'entreprise est un sujet qui pense, comme l'a montré Mary Douglas à propos des institutions.
Lorsqu'on cherche à définir l'identité d'une entreprise, ce n'est pas tant à ses produits qu'il faut s'intéresser qu'aux raisons pour lesquelles elle les conçoit, les fabrique et les vend. Les produits passent, leur signification demeure.
Il y a là un changement important de paradigme dans la façon dont on doit appréhender l'identité de l'entreprise : l'identité n'est pas une image mais un vouloir dire.
L'image n'est qu'une parure, le sens une signature.
Si bien que l'identité de l'entreprise n'est pas une fonction de l'exigible faisant d'elle une demandeuse d'image, mais bien plutôt du disponible qui fait d'elle une pourvoyeuse de sens.
En quoi consiste ce disponible ?
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